Tout savoir sur l’entreprise individuelle (EI)
1,072 million d’entreprises ont été créées en France en 2022. Parmi elles, 778 000 sont des entreprises individuelles (EI), dont une large majorité de micro-entreprises. Pour se lancer seul, l’entreprise individuelle offre un avantage majeur : la simplicité. La loi n°2022-172 du 14 février 2022 crée un statut unique d’entreprise individuelle et offre une protection renforcée du patrimoine personnel de l'entrepreneur. Avant de se lancer, le tour d’horizon complet de toutes les informations utiles sur le statut juridique de l’EI.
Qu’est-ce qu’une entreprise individuelle ?
Comme son nom l’indique, l’entreprise individuelle se crée sans associé. Un créateur d’entreprise, personne physique, se lance seul dans l’aventure entrepreneuriale, sans immatriculer de société, sans rédiger de statuts et sans dépôt de capital social.
C’est la forme la plus simple pour se lancer dans une activité commerçante, artisanale, industrielle ou libérale.
L’entrepreneur individuel ne forme qu’un avec son entreprise. Ainsi, il ne crée pas une personne juridique distincte, comme c’est le cas lors de la création d’une société. Il lance une activité sous son nom et à son compte. On parle d’ailleurs parfois d’entreprise en nom propre.
Le principal écueil de ce statut juridique résidait dans l’absence de patrimoine professionnel distinct. Ainsi, les créanciers pouvaient saisir des biens au sein du patrimoine personnel de l’entrepreneur. La responsabilité de l’entrepreneur individuel apparaissait illimitée, même si sa résidence principale bénéficiait d’une protection spécifique.
Le nouveau statut de l’entreprise individuelle
La loi n°2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante crée un nouveau statut unique pour l’entreprise individuelle. Cette réforme poursuit deux objectifs principaux :
● une meilleure protection du patrimoine personnel (au-delà de la seule résidence principale), quel que soit le régime matrimonial de l’entrepreneur ;
● une transmission facilitée sans recourir à la liquidation, que ce soit pour céder, donner ou apporter à une société.
Auparavant, l’entrepreneur avait la possibilité de protéger son patrimoine personnel en créant une EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée). Pour ce faire, il devait effectuer une déclaration d’affectation de patrimoine. Ainsi, seul le patrimoine affecté à l’activité professionnelle pouvait faire l’objet d’une saisie par les créanciers éventuels de l’entreprise.
L’EIRL, peu connue et plus complexe, était finalement peu utilisée. Depuis le 14 février 2022, il n’est plus possible de lancer une EIRL. Toutefois, les EIRL déjà créées poursuivent leur existence.
Le nouveau statut unique de l’entreprise individuelle protège automatiquement le patrimoine personnel de l’entrepreneur, sans déclaration d’affectation. Toute entreprise individuelle créée depuis le 15 mai 2022 bénéficie du nouveau régime, tandis que les EI créées antérieurement bénéficient de la protection exclusivement pour les créances nées après le 15 mai 2022.
Depuis le 15 mai 2022, la responsabilité de l’entrepreneur individuel est limitée au patrimoine professionnel, constitué des biens utiles à son activité :
● le fonds de commerce comprenant les biens corporels et incorporels, les droits, etc. ;
● le matériel, la marchandise, l’outillage ;
● le véhicule en cas de prestation à domicile, prestation itinérante ou activité de livraison ;
● les immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur à usage professionnel ;
● les droits de propriété industrielle (brevets, marques, licences, dessins et modèles, nom commercial) et les données relatives aux clients ;
● la trésorerie de l’entreprise.
Remarque
Un entrepreneur individuel marié doit challenger son régime matrimonial en fonction de son patrimoine et de celui de son conjoint : régime légal de la communauté réduite aux acquêts ou régime de la séparation de biens.
Les principales caractéristiques de l’EI
L’EI apparaît comme le statut juridique le plus simple pour créer une entreprise. Pas de capital social, pas de rédaction de statuts, des formalités d’immatriculation allégées, pas de publication au journal officiel, pas de publicité annuelle des comptes, etc.
De plus, le créateur d’entreprise peut soumettre son EI au régime de la micro-entreprise.
L’entrepreneur individuel est libre dans sa gestion. Il n’a pas besoin de rendre compte de sa gestion en fin d’exercice, ni de publier ses comptes. Il prend seul toutes les décisions mais peut se faire accompagner par un expert-comptable ou par des professionnels de la création d’entreprise.
L’entrepreneur a des obligations comptables : tenue d’un livre journal et d’un grand livre a minima. Ensuite, ses obligations s’étoffent en fonction du régime fiscal choisi : micro-fiscal pour l’auto-entrepreneur, régime réel simplifié ou régime réel normal, franchise de TVA ou déclarations de TVA. Bien évidemment, entreprise individuelle ou société, les mêmes obligations existent pour la facturation.
Comment créer une entreprise individuelle ?
Toute personne physique, majeure ou émancipée, peut créer une entreprise individuelle sur le guichet unique des formalités d’entreprise. Elle doit être en capacité juridique de gérer une entreprise donc, notamment, ne pas être sous tutelle ou sous curatelle.
Certaines professions réglementées nécessitent des conditions de diplôme, d’expérience professionnelle ou de probité spécifiques.
L’INPI, en charge du guichet unique, adresse ensuite le dossier aux autorités compétentes : INSEE, Urssaf, impôts, greffe, etc.
Le coût est minime, par exemple, 25,34 euros pour l’immatriculation d’une entreprise individuelle commerçante. L’immatriculation d’un auto-entrepreneur est, elle, gratuite.
La simplicité de création ne doit pas priver l’entrepreneur individuel, auto-entrepreneur ou non, de bien préparer son projet, notamment en réalisant un véritable business plan pour évaluer la rentabilité de son entreprise.
Dès la création, l’entrepreneur a l’obligation de mentionner son statut juridique sur tous les documents professionnels. Ainsi, son nom et son prénom doivent être suivis ou précédés de la mention entrepreneur individuel ou des initiales EI. Il a la possibilité d’ajouter un nom commercial s’il souhaite en utiliser un.
L’entrepreneur individuel est-il tenu d’ouvrir un compte bancaire professionnel ? L’ouverture d’un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle est obligatoire dès lors que le chiffre d’affaires de l’entreprise individuelle dépasse 10 000 euros pendant deux années consécutives. Toutefois, pour distinguer les fonds personnels des fonds professionnels, l’ouverture d’un compte bancaire séparé et dédié est recommandée dès la création d’entreprise.
Remarque :
Il sera tout aussi simple de radier votre entreprise individuelle. C’est gratuit et cela se fait également en ligne. Les dernières déclarations fiscales et sociales sont à prévoir. Le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel fusionnent pour ne devenir qu’un.
Quels sont les avantages de l’entreprise individuelle ?
Le statut de l’entreprise individuelle présente de nombreux avantages :
● des formalités de création simplifiées ;
● la liberté d’entreprendre dans de nombreux secteurs (seules certaines activités réglementées sont interdites en EI, comme les activités de crédit) ;
● une responsabilité limitée au patrimoine professionnel, créé sans aucune formalité ni déclaration ;
● l’absence d’apport initial bloqué au sein d’un capital social ;
● une comptabilité simplifiée dans la plupart des situations ;
● la possibilité d’opter pour le régime simplifié de la micro-entreprise ;
● l’absence de plafond de chiffre d’affaires (hors régime de l’auto-entrepreneur) ;
● une transmission simplifiée depuis 2022 : l’entrepreneur individuel peut céder, donner ou apporter en société tout ou partie de son patrimoine professionnel, sans procéder à sa liquidation.
Entrepreneur individuel et micro-entrepreneur, quelles différences ?
L’entreprise individuelle est un statut juridique tandis que la micro-entreprise est un régime simplifié sur le plan social et fiscal. La quasi-totalité des micro-entrepreneurs, ou auto-entrepreneurs, leur ancien nom encore très utilisé, crée une entreprise individuelle qu’ils placent sous le régime de la micro-entreprise.
Remarque : le régime de la micro-entreprise est également envisageable pour les EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée).
Quels sont les inconvénients de l’EI ?
Un risque financier demeure puisqu’il existe des exceptions au principe de la limitation de responsabilité. Par exemple, l’entrepreneur peut renoncer à la séparation des patrimoines personnel et professionnel en faveur d’un créancier professionnel.
Ce sera également le cas pour le recouvrement des impôts ou des cotisations sociales, en cas de décès, de fraude ou d’ouverture d’une liquidation judiciaire.
Par ailleurs, l’entreprise individuelle freine toute possibilité de développement en s'associant ou en levant des fonds. Il sera alors nécessaire de créer une société, en apportant éventuellement son patrimoine professionnel.
Enfin, le troisième inconvénient réside dans le montant élevé des cotisations sociales prélevées sur les bénéfices réalisées (hors régime spécifique de la micro-entreprise).
Quelle protection sociale pour un entrepreneur individuel ?
L’entrepreneur individuel est un travailleur indépendant, un travailleur non-salarié (TNS). Sa couverture sociale dépend du régime de la Sécurité sociale des indépendants (SSI), intégrée depuis 2020 au régime général. Ainsi, son interlocuteur est la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie) comme un salarié.
Les cotisations sociales se calculent :
● sur le chiffre d’affaires pour les auto-entrepreneurs ;
● sur les bénéfices imposables pour les entrepreneurs soumis au régime réel. La base de calcul exclut les exonérations fiscales et intègre l’abattement fiscal de 10 % pour frais professionnels.
En contrepartie du paiement des cotisations, la protection sociale de l’entrepreneur individuel couvre les risques maladie / maternité, vieillesse, décès / invalidité. Seul le risque chômage n’est pas couvert mais peut faire l’objet d’une assurance privée.
La loi de finances pour 2022 permet aux travailleurs indépendants de moduler leurs cotisations sociales en temps réel, sans attendre la fin de l’année. Ainsi, un entrepreneur individuel (hors micro-entrepreneur) peut ajuster son prévisionnel et ses revenus, servant de base de calcul à la perception des cotisations sociales. Aucune pénalité ne pourra être demandée, en cas de modulation.
La première année, les cotisations sociales font l’objet d’un versement forfaitaire à titre prévisionnel. Une régularisation intervient dès que les revenus imposables de l’année sont connus.
En cas de déficit ou de revenu inférieur à un plancher, l’entrepreneur individuel doit s’acquitter d’une cotisation annuelle forfaitaire pour bénéficier d’une couverture sociale minimale.
Remarque :
Le conjoint qui participe de manière effective à l’activité de l’entreprise individuelle peut revendiquer le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint salarié.
Quel est le régime fiscal de l’entreprise individuelle ?
L’impôt sur le revenu, régime fiscal par défaut
L’entreprise individuelle n’ayant pas de personnalité juridique propre, elle n’est pas imposée. C’est l’entrepreneur individuel qui déclare ses bénéfices au sein de sa déclaration d’impôt des revenus des personnes physiques (IRPP).
Ses revenus relèvent de la catégorie :
● des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les commerçants et artisans ;
● des bénéfices non commerciaux (BNC) pour les professions libérales ;
● des bénéfices agricoles (BA) pour les exploitants agricoles.
L’impôt sur les sociétés, sur option
La loi du 14 février 2022 permet toutefois d’opter pour l’impôt des sociétés (IS), sauf pour les EI relevant du régime des micro-entreprises. Le décret du 27 juin 2022 définit les modalités pratiques. Sur option, l’entrepreneur individuel peut assimiler son entreprise à une EURL, ce qui vaut option pour l’IS. L'article 1655 sexies du Code général des impôts (CGI) précise cela. Après 5 ans, cette option devient irrévocable.
Le régime social de l’entrepreneur fait alors l’objet d’un aménagement. Seuls les prélèvements sur les bénéfices qui excèdent 10 % des bénéfices nets et les prélèvements réalisés au titre de la rémunération de l’entrepreneur sont soumis à cotisations sociales.
Le versement libératoire, réservé à certains micro-entrepreneurs
Un auto-entrepreneur peut décider de profiter d’un versement libératoire de l’impôt sur le revenu. Il verse alors un pourcentage de son chiffre d’affaires, variable selon l’activité exercée, en même temps que ses cotisations sociales auprès de l’Urssaf :
● 1 % pour les entreprises de vente de marchandises ou de fourniture de logement ;
● 1,7 % pour les entreprises réalisant des prestations de services relevant des BIC ;
● 2,2 % pour les entreprises réalisant des BNC.
En l’absence de versement libératoire, l’auto-entrepreneur déclare son revenu imposable au sein de sa déclaration d’IR. Son revenu imposable correspond à son chiffre d’affaires après un abattement selon l’activité :
● 71 % pour les activités de ventes ;
● 50 % pour les activités de prestations de services BIC et les locations meublées ;
● 34 % pour les activités de prestations de services BNC et les activités libérales.
Pour opter pour le versement libératoire, le micro-entrepreneur doit présenter un revenu fiscal de référence (RFR) par part inférieur à un certain seuil. Ainsi, en 2022, le RFR du foyer fiscal sur les revenus N-2 (2020) ne doit pas excéder 25 710 euros par part de quotient familial.
Exemple :
Un couple avec 2 enfants représente 3 parts de quotient familial. Le RFR doit être inférieur à 77 130 euros sur les revenus familiaux 2020 pour bénéficier du versement libératoire en 2022.
Le choix du statut juridique est essentiel pour le créateur d’entreprise. Il est important de bien évaluer les avantages, les inconvénients et les risques par rapport à sa situation personnelle et à son projet.