French Tech : la rentabilité, la nouvelle obsession des start-up

Un rapport du Galion donne des pistes aux entrepreneurs pour gérer leurs finances au cordeau et s'offrir plus de libertés. Utile en période de recul des financements.
Si les ouvrages de la Pléiade aident à parfaire la culture littéraire, les rapports du Galion sont recommandés pour optimiser les chances de succès d'une start-up. A intervalles réguliers, ce club de la French Tech produit des contenus de qualité - et souvent gratuits - à destination des entrepreneurs.
Le dernier en date concerne la rentabilité. Un mot sur toutes les lèvres alors que les financements dans les jeunes pousses tricolores ont reculé lors des deux dernières années. Une tendance qui se poursuit en 2025.
Nous sommes aujourd'hui dans un bas de cycle. Il faut le reconnaître et ajuster les choses. Quand on est dans le déni que le monde a changé, le risque c'est de se prendre mur, observe Jean-Baptiste Rudelle, cofondateur du Galion et ex-patron de Criteo.
La quête de la rentabilité doit être à l'esprit dès la création de l'entreprise. Ce qui suppose de bien comprendre ses coûts et d'évaluer sa marge à chaque niveau (brute, opérationnelle…), plaide le rapport. Il n'est bien sûr pas interdit d'itérer ou de pivoter pour trouver son marché (le fameux « product market fit », dans le jargon). Mais plus question de brûler du cash de façon irrationnelle.
Une culture collective de la rigueur
Au départ, ce pilotage ne requiert pas des outils complexes.
Un Excel clair mis à jour chaque semaine, une règle stricte sur vos engagements financiers ou simplement un tableau de cash flow épuré font parfaitement l'affaire, explique le rapport.
L'aide d'un investisseur avisé ou d'un membre du conseil peut aussi être précieuse. Le recrutement d'un directeur financier (CFO) viendra plus tard, une fois le décollage assuré.
Autre point important : la rigueur financière doit irriguer à tous les niveaux, du chef d'entreprise aux managers, en passant par les derniers salariés. Ce qui suppose de faire de la pédagogie financière en interne. Grandir sainement est l'affaire de toutes les start-up. Y compris les deeptechs, dont les cycles de développement sont plus longs mais dont le marché attend des signaux de rentabilité plus tôt, souligne le Galion.
L'IA pour être efficace
Gérer ses finances au cordeau ne signifie pas renoncer à l'ambition. Au contraire : c'est la garantie de s'inscrire dans la durée, dribbler plus aisément les crises, prendre langue avec les investisseurs avec sérénité.
C'est beaucoup plus facile de lever de l'argent quand on n'en a pas besoin », sourit Jean-Baptiste Rudelle. On n'a plus le temps contre soi, mais avec soi. Et ça, cela change tout dans une négociation, qu'il s'agisse d'une levée de fonds ou d'un rachat.
Pour maîtriser ses dépenses, l'IA peut être d'un grand renfort, à condition que son utilisation soit bien cadrée.
« Il y a des gains opérationnels assez évidents : vitesse du codage, automatisation des processus, démarches commerciales », énumère Jean-Baptiste Rudelle. Ces derniers mois, des jeunes pousses comme Lovable (Suède) ont prouvé qu'elles pouvaient grandir très vite avec une poignée de salariés. Le Galion pousse les dirigeants de la French Tech à embrasser à 100 % une philosophie « IA friendly. »
Pour les start-up ayant trouvé leur marché, un bon indicateur de performance est la « règle des 40 ». Elle s'obtient en additionnant le taux de croissance du chiffre d'affaires et le taux d'EBITDA.
« Ce n'est pas une règle absolue, car il y a des cas particuliers. Mais cela permet de juger rapidement si une entreprise est un des leaders du marché ou si elle est plus en difficulté », éclaire Jean-Baptiste Rudelle. Cette règle s'applique surtout aux start-up du logiciel (modèle SaaS) et est regardée de très près par les investisseurs.
Des nouvelles portes de sortie
La rentabilité ouvre aussi différentes portes de sortie. Longtemps, les rachats et les introductions en Bourse ont été les voies privilégiées par les dirigeants. Mais les cotations se font désormais plus rares aux Etats-Unis, et sont quasi au point mort en Europe. « Quand la fenêtre est fermée, elle peut le rester pendant très longtemps », insiste Jean-Baptiste Rudelle.
D'autres options sont sur la table, comme les exits partiels (via des secondaires), le recours à de la dette non dilutive (venture debt) ou un LBO. « Traditionnellement, ce n'était pas trop dans l'ADN des start-up », rappelle Jean-Baptiste Rudelle.
Le LBO est une opération de rachat financée en partie par de la dette, adossée aux cash flows générés. Ses avantages ? Il offre une liquidité partielle aux fondateurs ou premiers investisseurs, valorise le cash flow et structure un nouveau cycle, avec une gouvernance plus adulte.
Par Adrien Lelièvre. Publié le 20 juin 2025