French Tech : la dissolution, le ralentisseur des levées de fonds en 2024
Les start-up françaises ont levé 7,7 milliards d'euros en 2024. Si le début de l'année était encourageant, le deuxième semestre a enregistré une baisse de 14 %.
2024 n'aura pas été une année de rebond pour la French Tech. Après une chute des levées de fonds en 2023 (-38 %), les financements ne sont pas repartis à la hausse. Selon le baromètre EY du capital-risque en France, les start-up françaises ont levé 7,7 milliards d'euros en 2024, contre 8,32 milliards en 2023, soit une baisse de 7 %.
Alors que le premier semestre était stable, le second a accusé une baisse de 14 %. « On a clairement le poids de la dissolution », estime Franck Sebag, associé chez EY. L'instabilité politique a créé beaucoup d'attentisme de la part des investisseurs français et étrangers. « Depuis, il y a un vrai sujet d'ambiance et de confiance. Le second semestre aurait dû être un semestre de rebond », ajoute Franck Sebag.
Les plus grosses opérations ont eu lieu durant les premiers mois de l'année : Mistral (486 millions d'euros), Electra (304 millions), HysetCo (200 millions)… Au total, 13 opérations de plus de 100 millions d'euros ont été recensées, soit le même nombre qu'en 2023. En valeur, on a même assisté à une augmentation de 4 % sur cette tranche, pour atteindre 2,76 milliards d'euros.
« L'amorçage s'en sort bien »
Les levées de fonds entre 50 et 100 millions d'euros ont chuté, sur un an, de 43 % en valeur, et de 44 % en volume, tandis que celles entre 10 et 20 millions d'euros ont accusé une baisse de 15 % en valeur et de 16 % en volume. Seuls les tours de table inférieurs à 10 millions d'euros sont en hausse (de 4 % en valeur, et 7 % en volume) sur un an. « L'amorçage s'en sort bien car il y a une nouvelle génération de fonds dédiés et des clubs deals [clubs d'investissement, NDLR]. Il y a clairement du renouveau dans cette gamme-là », note Franck Sebag.
Alors que la greentech était numéro un en 2023, elle a cédé sa première place du podium au secteur des logiciels, pilier historique de la French Tech, qui a dépassé les 3 milliards d'euros levés en 2024. Ce secteur est porté par les start-up d'intelligence artificielle (IA), devenues les chouchous des investisseurs.
« Pour eux, l'IA va transformer le quotidien et tous les business, comme l'émergence d'Internet », souligne Franck Sebag. Les start-up développant des grands modèles de langage (LLM) comme Mistral, Poolside (génération de code) et H (agent IA) ont des besoins en capitaux significatifs pour faire tourner leurs algorithmes sur des serveurs, ce qui a fait exploser les montants levés par le secteur des logiciels en 2024.
Domaines atypiques en essor
La fintech arrive en troisième position, avec 840 millions d'euros levés en 2024, dont les tours de table remarqués de Pennylane (comptabilité) et Pigment (planification financière), les deux nouvelles licornes de l'année. Mais il n'y a pas que ces secteurs « classiques » qui ont marqué l'année écoulée.
« On a vu des domaines atypiques sortir de terre comme la spacetech, des sujets autour de nouveaux matériaux et des thérapies digitales », pointe Audrey Soussan, associée au sein du fonds de capital-risque Ventech. Parmi les opérations notables, on compte celle de The Exploration Company (150 millions), une jeune société franco-allemande qui développe un vaisseau réutilisable pour le fret spatial.
Sur le plan européen, la France est en deuxième position en matière de financements, derrière le Royaume-Uni et ses 14 milliards d'euros levés. Sur les 10 opérations les plus importantes de l'année, 5 sont britanniques, dont la numéro un, Wayve, qui édite un logiciel spécialisé dans la conduite autonome et a réalisé un tour de 955 millions d'euros en 2024. L'Allemagne se place troisième, tout juste derrière la France avec 7,35 milliards d'euros. Surtout, les montants levés par les start-up allemandes ont augmenté de 11 % entre 2023 et 2024.
Cap sur la deeptech ?
Au total, les start-up du Vieux Continent ont levé plus de 40 milliards d'euros en 2024 alors que les américaines ont collecté 209 milliards de dollars, grâce aussi aux start-up d'IA. Selon Pitchbook, « l'IA a contribué de manière significative au rétablissement du capital-risque américain. » Environ 46 % des financements ont été alloués à l'IA, contre seulement 10 % il y a dix ans.
Si les Etats-Unis ont clairement pris la tête en IA, l'Europe peut encore se faire une place sur la greentech ou sur certains pans de la deeptech (le quantique par exemple). « Le poids de la greentech en Europe est de 25 % alors qu'elle ne pèse que 8 % aux Etats-Unis », note Franck Sebag, qui précise qu'en matière de fonds levés, les start-up américaines sont tout de même devant leurs homologues européennes.
« On est dans un changement de paradigme avec un besoin d'innovation de rupture pour pouvoir être leader », ajoute Franck Sebag. Mais face à la multiplication des réglementations dans la tech et au-delà, difficile de jouer à armes égales avec les Etats-Unis.
Par Charlie Perreau - Les Echos Publishing. Publié le 14 janvier 2025