Transition énergétique : un vivier d'emplois pour l'économie hexagonale

Bien que moins prégnante dans les espaces politique et médiatique, la transition énergétique concentre les efforts des entreprises avec, à la clé, 200.000 à 550.000 créations d'emplois d'ici à cinq ans.
Ici, un Fonds vert amputé de près de 1,5 milliard d'euros. Là, un coup de rabot de plus de 2 milliards d'euros dans les aides à la rénovation des logements. La volonté politique de maintenir la France sur une trajectoire bas carbone se fait moins tangible. Pas de quoi, toutefois, détourner nombre d'industriels du cap qu'ils se sont fixé. « La transition prend du temps donc, une fois qu'elle est lancée, il n'est pas question de revenir en arrière », assure Pascal Hamon, directeur industriel de Cristal Union, groupe sucrier aux 2,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires, qui vise le zéro carbone à l'horizon 2050 pour ses 13 sites industriels (sucreries, distilleries et ateliers de déshydratation).
Pour ce faire, l'entreprise coopérative investit 100 millions d'euros par an en faveur de sa sobriété énergétique et hydrique, avec l'autonomie en ligne de mire. « Mais il n'est pas uniquement question de financements : pour y arriver, il faut un capital humain », appuie Pascal Hamon.
Les compétences seraient-elles le nouveau nerf de la guerre contre la crise environnementale ? Oui, à en croire la filière des réseaux électriques, avec des acteurs comme Enedis, RTE ou encore Gimelec, qui évoque 43.000 recrutements nécessaires, à l'horizon 2030, pour réussir la transition énergétique. Plus globalement, la planification écologique serait créatrice de 200.000 à 550.000 emplois d'ici à cinq ans, selon l'organisme interministériel qui en a la charge.
« Tous nos clients sont en train de monter des équipes dédiées, ce qui représente un réel investissement », observe Pauline Koch, la fondatrice de Sitowie, plateforme permettant de mesurer l'état de vétusté des actifs immobiliers et de piloter leur maintenance vers des modèles de résilience climatique, sur les fronts de la sobriété énergétique ou de la réduction de l'empreinte carbone. De l'avis de la dirigeante, qui accompagne des groupes comme ICF Habitat ou le CNES, le manque de profils conduit à « un jeu de chaises musicales, avec des employeurs qui ont tendance à aller chasser les compétences chez le voisin ».
L'enseignement au diapason
Certes, l'enseignement tend à se mettre au diapason de la décarbonation et chaque jour apporte son lot de nouvelles formations. Pour exemple, l'Institut national des sciences et techniques nucléaires vient d'annoncer le lancement, avec l'IFP School, d'un nouveau mastère sur le management de l'énergie et du carbone. Un label des métiers de la transition énergétique, qui permet d'identifier les diplômes, du CAP au Bac + 3, préparant à ces postes, a même vu le jour.
« Malgré cela, le 'sourcing' des candidats n'en finit pas de challenger les entreprises, car l'innovation accélère la cadence, donc les solutions se renouvellent très vite, se complexifient, et il est compliqué de suivre », résume Thomas Moreau, le président de Rexel France, distributeur de produits et services pour le monde de l'énergie, également spécialisé dans le génie climatique, les automatismes industriels et la data communication-sécurité.
Avec un maillage territorial de 500 agences et 13 centres logistiques, et comptant plus de 200.000 entreprises clientes (de quoi réaliser 3,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires), Rexel accompagne la montée en compétences techniques, mais aussi commerciales et financières, de ses clients. « Nos équipes commerciales sont formées pour aider les installateurs à promouvoir et à vendre des systèmes toujours plus évolués et innovants », explique ainsi Thomas Moreau.
Formations transversales
Et Pauline Koch de confirmer que « le seul vernis technique ne suffit plus, il reste pléthore de formations transversales à inventer ». « Nous voyons de plus en plus d'ingénieurs sortant des Ponts ou de l'ESTP qui se tournent vers Dauphine ou autres pour consolider leur compréhension des aspects business, financiers et juridiques », dit-elle. Elle ajoute que « la transition énergétique dépasse les connaissances en ingénierie ou sur les questions environnementales ».
Chez Cristal Union, qui s'est doté de sa propre école de formation, la « Cristal Académie », Pascal Hamon insiste sur le travail mené conjointement par la direction industrielle avec les équipes des ressources humaines, notamment du fait que « la continuité de la démarche de décarbonation suppose des efforts sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences ».
« Quand Cristal Union recrute des alternants mécaniciens, électriciens ou chaudronniers, c'est l'entreprise qui les fait monter en compétences dans les domaines de lagestion de la chaleur fatale, de la biomasse ou de la production de chaleur décarbonée. L'objectif est donc de les inciter à rester à l'issue de leur alternance. De même, quand nous recrutons un jeune ingénieur, nous savons qu'il exprimera pleinement son potentiel au bout de six ou sept ans : s'il part au bout de quatre ans, on a tout faux », explique-t-il.
Outre les enjeux de fidélisation, Thomas Moreau soulève pour sa part la nécessité d'adapter les cursus de montée en compétences aux habitudes des nouvelles générations. « Nombre de jeunes sont motivés par les sujets d'électrification et de décarbonation. Mais si on ne met pas à leur disposition des modèles de formation plus digitalisés et immersifs, en adéquation avec leurs modes de consommation, on les perd », conclut-il.
Par Julie Le Bolzer (Les Echos) . Publié le 18 septembre 2025
