Article

Incertitude politique, financements, IA, rentabilité… Les défis de la rentrée pour la French Tech

Publié le 25/09/2025

Alors que la crise des financements que subit l'écosystème français s'éternise, les start-up sont confrontées à des enjeux qui leur étaient jusque-là plutôt inconnus, comme l'incertitude politique et géopolitique ou encore la gestion de la santé mentale.

Financements au plus bas, contexte politique et géopolitique fluctuant, pression à intégrer des outils d'intelligence artificielle… La French Tech, loin d'avoir dit son dernier mot, ne démarre pas la rentrée sous les meilleurs auspices. Tour d'horizon des défis à relever.

Naviguer dans un climat d'incertitudes

Dans un contexte géopolitique et national de plus en plus instable, les start-up françaises doivent apprendre à naviguer entre incertitudes et injonctions contradictoires. Celles-ci se ressentent aussi dans les financements, nerf de la guerre des start-up, avec une chute historique des levées au premier semestre 2025 (-35 % en glissement annuel). Même l'amorçage (entre 0 et 10 millions) est en baisse, signe de la frilosité des investisseurs dans le contexte actuel.

En 2025, cette instabilité est vouée à s'intensifier, notamment avec la loi de finances. « Le risque est d'avoir un budget très politique, et donc de fortes turbulences… Pour autant, le sujet n'est pas tant sur l'impact de la loi de finances sur les start-up, ces dernières redoutent surtout le climat d'incertitudes qui va naître. S'il y a des opérations de financements ou de M&A à réaliser, il vaut mieux les boucler avant le prochain budget », souligne Franck Sebag, associé chez EY.

« Dans notre secteur, le mobilier, le 'pipe' commercial est très élevé, mais tout prend du temps. Les clients professionnels attendent de voir s'il va y avoir de gros changements politiques avant d'acter la décision. Le problème n'est pas la demande, mais l'incertitude », ajoute Younes El Hajjami, le patron de la start-up Bluedigo.

L'autre thématique à la mode, celle de la tentation d'une stratégie entièrement souveraine, comme contrôler ses technologies, limiter les dépendances étrangères, se heurte à la réalité d'un monde interconnecté. Dans certains secteurs, comme l'intelligence artificielle, l'accès aux technologies clés reste encore dominé par les géants américains.

S'exporter aux Etats-Unis : to go or not to go ?

Le marché américain reste un passage quasi obligé pour nombre de start-up, en particulier dans les logiciels d'entreprise, où les Etats-Unis représentent souvent la moitié du marché mondial. La licorne Pigment, par exemple, y réalise l'essentiel de sa croissance. Mais y poser un pied solide demande des moyens considérables, financiers comme humains.

Dans un contexte de cash limité et de quête de rentabilité, certaines start-up font donc le choix de déprioriser les Etats-Unis, notamment des greentechs avec l'élection de Donald Trump, au profit de marchés européens plus proches, moins coûteux et risqués à attaquer. « Dès qu'une start-up nous parle d'aller aux Etats-Unis, on n'y croit pas vraiment », confie une investisseuse dans un fonds à impact.

Si les Etats-Unis sont une promesse de changement d'échelle, ils exigent une maturité et une solidité rarement atteintes avant la série B ou C. Pour celles qui peuvent y aller, c'est un accélérateur. Pour les autres, il faut être plus imaginatif.

« Nous allons ouvrir un bureau au Mexique pour aller ensuite aux US. Vous n'êtes pas obligés d'avoir tout de suite un bureau aux Etats-Unis et payer un DG 500.000 dollars », souligne Alexandre Berriche, à la tête de Fleet, start-up qui fait du leasing de matériel informatique et n'a jamais levé de fonds.

Recruter des cadres de haut niveau

Les derniers mois ont été marqués par une vague de recrutement de directeurs généraux au sein des start-up, avec des fondateurs historiques plus en retrait. C'est le cas de Back Market, Zenchef, Standing Ovation, ou encore Phenix.

« Notre critère principal, c'était la complémentarité avec mon profil, d'avoir quelqu'un qui a déjà vu, déjà fait. Dans notre cas, qui connaît le M&A et a organisé le changement d'échelle d'une start-up, capable par exemple de passer de 20 à 100 millions d'euros de revenus », détaille aux « Echos » Jean Moreau, le fondateur de Phenix.

L'autre défi est celui de la gouvernance, avec des professionnels chevronnés aux postes clés, en particulier aux opérations et à la finance. « Il s'agit de passer d'une équipe de cofondateurs, souvent des copains de promo, à un comité de direction qui vont les aider à prendre les bonnes décisions. Quand l'argent devient rare, ils n'ont plus trop le droit de se tromper et l'exigence est montée d'un cran », indique Franck Sebag, associé chez EY. Et de conclure : « Il faut une équipe à l'épreuve des balles. »

Objectif : faire une belle PME

Dans l'écosystème des start-up, les trois lettres PME sont souvent perçues comme ringardes. Mais face à la raréfaction des financements, de plus en plus de jeunes pousses choisissent le chemin de la « petite » croissance et la rentabilité.
Pour ce faire, il faut revoir toute sa stratégie, réduire ses dépenses, redéfinir des priorités ou encore trouver de nouveaux relais de croissance. Peut-être est-ce enfin le moment de pivoter ?

Cette nouvelle page pourra en tout cas intéresser d'autres investisseurs que les fonds de capital-risque et permettra d'envisager sa sortie. « Tout le monde devrait avoir en tête son exit. Que ce soit avec un fonds de private equity ou du M&A [fusion-acquisition, NDLR] », estime Alexandre Berriche.

L'IA, toujours l'IA (oui mais en mieux)

Près de trois ans après l'avènement de ChatGPT, l'intelligence artificielle (IA) tire toujours les marchés vers le haut. Et demain ? Le must-have côté IA sera (en réalité est déjà) d'avoir la capacité de se « corriger ».

En fait, « l'avenir est à l'utilisation des meilleurs modèles mondiaux, enrichis de l'IA critique qui les rend fiables », estime Victor Plaisance, cofondateur de Retab, une jeune pousse fondée en 2024, dont la technologie détecte et corrige en temps réel les erreurs des IA génératives, notamment ses hallucinations.

Autre défi plus que jamais d'actualité : la formation des équipes. Car le fossé se creuse entre les profils techniques et les dirigeants. Selon l'étude annuelle State of DevEx 2025, 63 % des développeurs estiment par exemple que leurs dirigeants ne comprennent pas les défis auxquels ils sont confrontés (contre 44 % en 2024). Ce décalage est un signal d'alerte à prendre au sérieux.

Equilibre vie pro/vie perso

Il y a celles et ceux qui l'assument et le revendiquent : non, on ne peut pas monter sa start-up sans sacrifice. Parmi eux, Alexandr Wang (à la tête de Scale AI), plus jeune milliardaire de la planète, pour qui il n'est pas possible que des « efforts ordinaires conduisent à des résultats extraordinaires », ou encore Nikolay Storonsky (Revolut) qui demanderait à ses équipes du 24/7.
Mais il y a aussi les repentis. Celles et ceux qui stoppent et rétropédalent. Melanie Perkins, cofondatrice et patronne de Canva, qui ne veut plus faire partie de la « glamourisation » du « travailler toute la journée, sans jamais s'arrêter ».

Derrière ce débat - souvent caricaturé, mais toujours piégeux pour les entrepreneurs - se joue un enjeu majeur : la (bonne) santé mentale. En 2025, la moitié des dirigeants déclarent se sentir « fréquemment surmené en raison d'une surcharge de responsabilités », selon une récente étude réalisée la start-up Moka.care et l'Institut Choiseul.

Pour dépasser ce débat, et s'écouter, tout en performant, Jean de La Rochebrochard propose de remplacer le mot « équilibre » par celui de « réalignement ». Ce qui implique de se poser « les questions fondamentales » sur soi-même et sur son projet entrepreneurial et d'y répondre franchement. Alors prêts ? Réalignez !

Par Camille Wong, Marion Simon-Rainaud, Charlie Perreau (Les Echos). Publié le 25 août 2025.

Pour continuer votre lecture

Transmettre son entreprise à moindre coût avec le Pacte Dutreil
#Entrepreneurs (1 à 10 salariés)
Article
Découvrez comment le Pacte Dutreil facilite la transmission d'entreprise avec des avantages fiscaux. Guide complet sur les conditions à respecter.
Parcours de formation Edflex - Introduction à la Reprise d'entreprise
#Reprise
Mooc
Vous envisagez de reprendre une entreprise existante ? Ce parcours de formation est conçu pour vous accompagner à chaque étape de ce projet ambitieux.
Emploi : de plus en plus de jeunes diplômés se mettent à leur compte
#Micro-entrepreneurs
Article
Portée par l'essor du statut de micro-entrepreneur, la proportion de jeunes qui ont choisi d'être indépendants en début de carrière a plus que doublé en vingt ans.