Comment rebondir après un échec entrepreneurial ? Une leçon de persévérance et de repositionnement
Partie prenante de la vie d’un entrepreneur, l’échec doit être abordé comme une expérience et non comme un barrage infranchissable. Voici quelques conseils d’entrepreneurs pour se relever et rebondir après un revers entrepreneurial.
Akio Morita avait une idée : conquérir le marché japonais en vendant des autocuiseurs à riz. Avec un ami, il a conçu un petit appareil en bois muni d'électrodes destiné à chauffer un mélange d'eau et de riz. Ce fut un échec car le riz terminant brûlé ou pas assez cuit, les ventes ne décollèrent pas. Sans abandonner, les deux associés se sont tournés vers leur passion commune, la radio. En 1946, ils fondent Totsuko, la Compagnie de Télécommunications de Tokyo. Elle deviendra une multinationale japonaise mondialement connue qui n’est autre que Sony. Une leçon de persévérance et de repositionnement extrêmement efficace qui peut donner espoir à tout entrepreneur souhaitant se relever après un échec.
Carences commerciales, de gestion, défaut de compétences techniques… Les causes de la faillite d’une entreprise peuvent être nombreuses. Pourtant, chaque entrepreneur peut se servir de l’échec comme tremplin vers la réussite. Nous vous donnons des clés pour rebondir plus vite et plus haut.
En cas d’échec, faites le bilan de votre situation
Après un revers qui se matérialise souvent par un dépôt de bilan, chaque entrepreneur doit analyser sa situation. Tout d’abord, il faut comprendre que cela concerne de nombreux entrepreneurs. Selon l’INSEE, 40% des entreprises échouent dans les cinq premières années qui suivent leur création. La première étape après une défaite entrepreneuriale consiste à lister les causes de la faillite. Inutile de pointer du doigt les fournisseurs ou les partenaires, la majorité des échecs sont dus à :
- des carences gestionnelles, commerciales ou techniques
- l’isolement
- le manque de confiance en soi
- l’absence de leadership
- une mauvaise stratégie marketing…
Un échec entrepreneurial n’est pas forcément synonyme de coup d’arrêt de l’activité de l’entrepreneur, bien au contraire. Pourquoi l’entreprise n’est pas parvenue à se développer ? Ces enseignements lui seront utiles pour lui permettre d’avoir une meilleure connaissance du marché sur lequel il s’était implanté initialement.
Sharon Sofer est à la tête de Startup for Kids, une entreprise créée en 2015 qui organise des événements à destination des jeunes. Avant cela, son premier projet n'avait pas été fructueux. "À l'époque, je faisais du conseil en marketing digital et je cherchais une idée de "produit" autour de mes compétences. Et en tant que maman, je voulais proposer des activités scientifiques à l'un de mes enfants. J’ai donc monté ma première boite, Scientibox, des coffrets scientifiques par abonnement. Mais l’expérience a été douloureuse", explique-t-elle. Aujourd’hui, son projet qui fait découvrir le numérique aux enfants, mis en avant par Forbes, a trouvé son public. “L’échec entrepreneurial est possible à anticiper. Quand cela arrive, il faut savoir faire un bilan honnête. D’abord de son projet, mais aussi personnellement. Si vous remplacez le mot échec par expérience, vous gagnerez en confiance.” La fondatrice de Startup for Kids poursuit : “Lancer un projet, c'est évidemment prendre le risque de ne pas obtenir les résultats escomptés. Sur tout nouveau projet, je fais rapidement une matrice pour savoir ce que cela peut coûter et apporter, financièrement ou en image de marque ou partenariats. Pas un business plan pour investisseurs, mais un plan pour soi-même. Ainsi, j’ai déjà des outils de décision”. Cette approche pragmatique et cette acceptation rapide de l’échec ont permis à l'entrepreneure de bâtir un nouveau projet grâce à l'expérience vécue précédemment et les compétences acquises malgré la fermeture de sa première entreprise. La détermination et l’envie de se relancer peuvent donc mener chaque entrepreneur vers le succès. Comprendre les vraies raisons de l’échec et surpasser cette déception est donc déterminant avant de se concentrer sur un autre défi.
L’échec, l’outil d’apprentissage le plus précieux
Dans le livre “La tribu des mentors” de l'auteur Timothy Ferriss, le fondateur de Spotify Daniel Ek déclare : “L'échec est, pour moi, l'outil d'apprentissage le plus précieux”. Un mantra partagé par Prosper Masquelier, le co-fondateur d’une application de loto qui a franchi le cap des 15 millions de téléchargements. L’entrepreneur est passé par la case déconvenue avec un projet autour des tournois de poker en ligne ayant échoué. Le repositionnement vers un marché plus porteur a donc été décisif : “En 2017, ma société International Poker Tour Holding a fait faillite. Ce n’est pas pour cela que je me suis arrêté. Il faut relativiser l’échec et tirer les enseignements pour ne pas refaire les mêmes erreurs par la suite.” Il poursuit : “Nous étions certains que le créneau du loto en ligne, de surcroît 100% gratuit, était inédit et porteur. En 2016, ça n'existait nulle part ailleurs. Cette remise en question et la recherche d’un nouveau projet sont deux choses primordiales pour se relever” explique l'entrepreneur montpelliérain. “Sans ces échecs, je n’aurai pas réussi. Il faut comprendre que la défaite te donne un avantage sur les autres : tu sauras toujours mieux anticiper et tu seras en avance car tu as déjà gagné en maîtrise et en compétences.” Une mentalité partagée par Sharon Sofer : “Je considère qu’un échec n'est jamais qu'une marche sur l'escalier de la réussite.”
Le terme “résilience” revient souvent depuis le début de la crise sanitaire que nous traversons. Cette capacité à rebondir et à prendre un nouveau départ après un traumatisme est essentielle pour digérer un échec entrepreneurial. Se relancer après un échec peut s’apparenter à un défi plus personnel que professionnel. Se donner le temps pour prendre soin de soi, passer par les étapes du deuil de son entreprise, retrouver l’estime de soi et se concentrer sur l’avenir sont des passages obligés pour pouvoir repartir du bon pied. Les deux entrepreneurs interrogés sont unanimes : cette épreuve est avant tout une source d’apprentissage.
Prendre l’échec comme un tremplin
De son côté, Anne Létondot suivait un chemin tout tracé pour devenir architecte. Une fois son diplôme en poche, elle décide de se tourner vers la presse spécialisée dans le design et l’architecture et de devenir rédactrice. Après un insuccès dans ce domaine et dans son premier projet, elle a pris “son destin en main” : “J’ai toujours été animée par cette volonté de servir le patrimoine et l'architecture. Lors des préparatifs de mon mariage, nous étions à la recherche d’une illustration de notre lieu de cérémonie. Nous ne trouvions pas ce qui nous plaisait. Étant architecte de formation, c’est assez naturellement que j’ai eu l’idée de dessiner moi-même l’église où nous allions nous marier. De cette idée est né mon projet entrepreneurial !”. Aujourd’hui, avec Illustration de Patrimoine, elle “accompagne les particuliers, les entreprises, et les structures publiques dans la mise en valeur du patrimoine, grâce à l’illustration numérique.” Là aussi, le repositionnement et la recherche affinée et pertinente d’un nouveau défi sont des atouts décisifs : “J’ai vraiment choisi de ne pas me laisser abattre, de prendre cet échec comme un véritable tremplin pour rebondir et créer une entreprise et un environnement professionnel qui correspond à mes valeurs.”
“Nous ne sommes pas seuls face à nos difficultés”
Longtemps perçu comme un tabou, l’échec entrepreneurial peut servir de leçon afin que la peur ne freine pas l’innovation. L'entrepreneur doit en priorité briser l’isolement et accepter ce revers. Anne Létondot témoigne : “La solitude en tant qu’entrepreneur est un vrai sujet. On peut briser cet isolement de plusieurs manières : choisir de travailler dans des espaces de coworking, intégrer des réseaux de professionnels pour s’entourer de personnes vivant la même aventure entrepreneuriale et rencontrant les mêmes difficultés.” Et de poursuivre : “Je choisis également de me former régulièrement, de participer à des conférences, j’échange avec d’autres entrepreneurs via les réseaux sociaux, pour créer une communauté bienveillante et soudée. J’écoute aussi beaucoup de podcasts sur le monde de l’entrepreneuriat et le développement personnel, ce qui permet de se rendre compte que nous ne sommes pas seuls face à nos difficultés.” Des associations telles que 60.000 Rebonds, Second Souffle et Les Rebondisseurs accompagnent les entrepreneurs et valorisent le rebond entrepreneurial. Chez 60.000 Rebonds, selon leurs chiffres, 45 % des entrepreneurs accompagnés créent une nouvelle entreprise dans les deux ans qui suivent leur prise en charge.
Pour rebondir, ces entrepreneurs peuvent solliciter la procédure de rétablissement professionnel. Ce recours permet l’effacement des dettes des entreprises sans salarié détenant moins de 5 000 € d’actifs. Depuis le 1er janvier 2019, le fichier de la Banque de France qui référençait les chefs d’entreprises ayant connu deux faillites n’existe plus. Ce droit à l’oubli bancaire était demandé depuis de nombreuses années par les associations citées plus haut. Le fichage en cas d’échec est désormais de l’histoire ancienne. Cependant, cette évolution doit être nuancée, car les informations de liquidation judiciaire restent accessibles sur les fichiers d'immatriculation des entreprises. Les entrepreneurs devront donc penser à de nouvelles manières de financer le futur projet.
Prévenir l’échec entrepreneurial et miser sur un défi et un modèle différent apparaissent donc essentiels pour rebondir. Et comme le disait un certain Winston Churchill, « le succès, c’est d’aller d’échec en échec en conservant son enthousiasme ».