Managers de transition à la rescousse des entreprises en difficulté

Le monde des affaires peut basculer brutalement, entraînant les entreprises dans des crises profondes déclenchées par des difficultés économiques conjoncturelles, des changements structurels, mais aussi des transitions internes complexes, notamment numériques. Ces aléas fragilisent la trésorerie des entreprises, même les plus rentables, parfois jusqu'à l'insolvabilité.

« Les problèmes sont très différents selon les entreprises, analyse Frédéric Rudondy, partner chez NIM Europe, spécialisé dans les missions de retournement. Mais, très souvent, on constate un manque de pilotage de la trésorerie, comme des lacunes dans la stratégie de l'entreprise… Le dirigeant regarde trop souvent dans le rétroviseur, alors qu'il doit anticiper et avoir une vision sur ce qui pourrait arriver. »

Repérer les signaux faibles et savoir s'entourer sont deux clés d'un retournement réussi. « Il faut parler de sa situation avec des professionnels aguerris, explique Jean-François Galloüin, administrateur indépendant d'entreprises . Les administrateurs ont certes des intérêts en jeu, mais pas le côté émotionnel. Ils peuvent apporter un autre point de vue au dirigeant. » Libres de leur parole, ils peuvent endosser le « mauvais rôle » et sonner la cloche face au déni de l'entrepreneur.

« Le dirigeant a beaucoup de mal à reconnaître ses erreurs et admettre qu'il s'est trompé ; et que, même s'il ne s'est pas trompé, cela va être de plus en plus difficile », confirme Bernard Tronel, directeur général associé d'Essensys France, un spécialiste du management de transition.

Un métier méconnu

L'écosystème entrepreneurial - CCI, tribunaux, avocats, experts-comptables, associations diverses… - essaie de promouvoir la prévention depuis de nombreuses années, y compris avec les pouvoirs publics. Le management de transition fait partie du panel de solutions de recours, même s'il reste encore peu connu des entreprises françaises. 40 % des dirigeants n'en ont jamais entendu parler et seulement un tiers d'entre eux savent exactement de quoi il s'agit, selon une récente étude OpinionWay pour le groupe de conseil et de services RH Grant Alexander.

Orientés résultats, les managers de transition opèrent en mode projet pour une durée minimale de 8 à 9 mois et ne sont surtout pas des théoriciens de l'intervention en entreprise, précise Benoit Durand-Tisnès, président de France Transition qui fédère une trentaine de sociétés qui représentent environ les deux tiers des 800 millions d'euros de cette activité. Leurs missions dépassent largement la seule gestion de crise pour inclure la transformation des organisations à long terme et le management relais, dans des domaines aussi divers que la finance, les ressources humaines ou l'IT. 

On retrouve ces profils d'experts dans le cadre d'une restructuration de filiale d'un grand groupe, comme dans le cas d'une start-up en souffrance lors du passage à l'échelle ou encore, d'une grosse PME ou ETI en situation de sous-performance du fait d'un retournement de marché ou d'une rupture technologique…

« Dans les missions de restructuring, le temps reste la variable la plus importante : il faut agir extrêmement vite », rappelle Frédéric Rudondy. En quelques jours, le manager de transition doit prendre la mesure du sujet, comprendre l'ADN de l'entreprise, identifier qui est influent ou pas… Son objectif est que tout le monde se mobilise pour engager le changement.

Agir vite avec le dirigeant

Il est donc important pour le dirigeant de faire appel à quelqu'un très en amont pour agir. « Le manque de trésorerie, c'est la conséquence, d'où l'importance d'anticiper, confirme Bernard Tronel. Nous sommes parfois effarés de découvrir que même des entreprises importantes n'ont pas de budget… Dans les tableaux de bord , il faut disposer des prévisions de trésorerie au minimum à 45 jours, puis à trois ou six mois, voire un an selon la taille et l'activité de l'entreprise. C'est la première chose que tout administrateur judiciaire demandera… »

A condition de ne pas être en cessation de paiements, il existe des solutions amiables (et confidentielles) à privilégier. « Il faut des gens spécialistes de la gestion d'entreprise pour gagner en rapidité et trouver les bons remèdes à appliquer. Il n'y a jamais de solutions simples, constate Benoit Durand-Tisnès. Le manager de transition qui a déjà géré des entreprises en difficulté, saura faire un diagnostic flash sur l'origine de la crise et s'appuyer sur tout l'écosystème pour trouver les bonnes réponses. »

La suite dépend de la personnalité du dirigeant. « Le manager de transition doit faire preuve de flexibilité, car le dirigeant est très sensible et il ne faut pas lui faire perdre la face. La solution pour redresser l'entreprise, on la trouve chez les salariés, car ils connaissent tout : les produits, les clients, les fournisseurs et… les difficultés », sont-ils plusieurs à le rappeler. Une totale collaboration permet ainsi d'alléger la pression sur le dirigeant.

Les Echos Entrepreneurs. Par Catherine Moal. Publié le 6 mai 2025