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Les conflits entre associés, le grand tabou de la French Tech

Publié le 16/12/2024

Une start-up peut mourir à cause d'un désaccord entre les associés fondateurs. Pour prévenir et gérer les conflits, le think tank The Galion Project vient de sortir un guide des bonnes relations.

Traumatique. Douloureux. Encore à vif. Voilà quelques qualificatifs invoqués par certains associés fondateurs de start-up qui ont été en conflit avec leur associé(e). Même des mois, voire des années après. Et quelle que soit l'issue du conflit, peu d'entre eux veulent s'épancher. Côté investisseur, même sentiment. « Sujet délicat », nous glisse-t-on.

Pourtant, ils sont nombreux. Plus de quatre associés fondateurs sur dix déclarent avoir déjà connu « un conflit sérieux » avec leur associé, d'après un nouveau « guide des relations entre associés fondateurs », publié par The Galion Project, un collectif d'entrepreneurs de la tech. Un autre chiffre tout aussi éloquent se chuchote entre investisseurs : 80 % des problèmes dans une start-up proviennent d'un différend entre les associés.

Comme un secret honteux

Se fâcher avec son associé sonne donc comme une double peine. Le sujet est aussi tabou que répandu. Rares sont ceux qui en ont parlé à visage découvert, tels que Guillaume Moubeche (Lemlist) ou Alexandre Bellity (Cleany).

« C'est pour ça qu'il faut qu'on en parle ! » tranche Agathe Wautier, cofondatrice et dirigeante du Galion Project. L'objectif de son guide d'une cinquantaine de pages (téléchargé 1.600 fois en 24 heures) : libérer la parole pour « normaliser » les conflits. « C'est O.K. parfois de ne pas s'entendre. Il y a des sujets qui se règlent, d'autres non. Mais se taire n'a jamais fait de bien à personne. »

Et il n'y a qu'à écouter celles et ceux qui l'ont vécu pour le mesurer. Florilège : « C'était comme un secret honteux… » ; « Même un an après, j'ai peur de croiser mon ex-associée dans la rue » ; « Rien que d'évoquer le dossier, j'en ai mal au ventre. » Des témoignages qui résonnent particulièrement dans un écosystème actuellement en berne, des financements en panne et des faillites en pagaille.

Pacte d'associés

S'il fallait retenir une chose à faire impérativement dès le début d'une association, ce serait d'établir un « pacte d'associés », où il sera écrit noir sur blanc à qui appartient quoi - comme dans un contrat de mariage. De cette manière, si le conflit est avéré, le document fera foi - comme dans un divorce.

Mais, dans la vie comme dans l'entreprise, les choses se passent rarement comme c'était écrit. Il faut donc rester alerte, sur tous les fronts. Identifier les sources potentielles de conflit (des personnalités trop différentes, une lutte ouverte pour le pouvoir, des divergences de stratégie business ou, cas plus rares, une faute de gestion) peut aider à les neutraliser.

En parler avec des tiers

Ensuite, qu'il soit larvé ou avéré, ne surtout pas minimiser le conflit entre associés. « Les fondateurs sont un des actifs les plus précieux de leur start-up », pointe Agathe Wautier. Entretenir de bonnes relations nécessite du temps, une attention particulière, parfois même de l'argent, mais surtout de la communication.

Tant que le dialogue est possible, toujours le privilégier. En prime, ne pas hésiter à faire appel à un tiers professionnel, à un coach en communication dans un premier temps, et à un médiateur ensuite. « Cette solution a certes un prix, mais en coûtera toujours moins cher qu'entrer en conflit », souligne Christian Jorge, cofondateur de Vestiaire Collective.

Quid du rôle des investisseurs ? Question simple, réponse complexe. Les mêler au conflit reste un sujet à appréciation. « Ils ont souvent plus d'expérience que les créateurs d'entreprises et, puisqu'il s'agit d'un problème rencontré, au bas mot, par près d'une boîte sur deux, il est probable qu'ils aient déjà été confrontés à cette situation », plaide Alexis Eve, coach professionnel, à la tête de Yaniro. D'autres, comme Christian Jorge, mettent en garde contre la tentation de faire du comité d'administration un juge de paix mal placé. Les conséquences peuvent être, selon lui, « destructrices » pour la société.

Bien choisir son avocat

Au terme de toutes ces réflexions et tractations, on peut quand même décider de se séparer. Face à certaines relations toxiques, il faut savoir lâcher. Il y va de la « préservation de sa santé mentale », rappelle le coach qui a accompagné plus d'une centaine d'associés en conflit depuis 2018. D'autant que s'acharner n'est statistiquement pas pertinent. Selon ses estimations « à la louche », 85 % des conflits se soldent par le départ de l'un des associés.

Une fois que le départ est acté, les négociations peuvent se passer soit à l'amiable soit au contentieux, à l'aide d'un bon avocat. Que ce soit devant un juge ou par révocation, cette nouvelle étape s'accompagnera d'une rigidité toute procédurière (récolte des preuves, certification des documents, rupture du dialogue, etc.). Et, à ce moment-là, « ça devient la guerre », insiste le coach Alexis Eve. Alors mieux vaut être bien armé et bien entouré.

Par Marion Simon-Rainaud - Les Echos Publishing. Publié le 13 décembre 2025

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