French Tech : les énergies renouvelables, le nouveau filon des start-up
Le secteur fait partie des plus financés par les investisseurs, note le dernier baromètre « cleantech » de France Invest. Plusieurs start-up viennent aussi de boucler leur tour de table, comme Elum Energy, qui annonce une levée de 12 millions d'euros.
Les levées de fonds patinent dans la French Tech, moins pour les start-up de l'intelligence artificielle et de la greentech. Parmi ces dernières, le secteur des énergies renouvelables fait le plein de jeunes pousses financées, révèle le baromètre semestriel des cleantechs de France Invest. Ces start-up ont levé 348 millions d'euros et prennent la deuxième place, devant la mobilité. En 2023, année exceptionnelle pour le secteur, plus de 2 milliards d'euros ont été investis pour 39 opérations .
« Le secteur est arrivé à un certain niveau de maturité, où nous avons des représentations de sociétés dans tous les stades de développement : amorçage, venture, capital-développement et infrastructure », souligne Sophie Paturle, présidente de la commission industrie et transition écologique de France Invest.
Dans le détail, les entreprises du secteur regroupent les producteurs d'énergie solaire, d'éoliennes, hydrauliques ou encore de biomasse, comme See You Sun, avec 60 millions (ombrières solaires), Waga Energy (biométhane) , avec 52 millions. Si l'écosystème est aussi tiré par des entreprises qu'il devient difficile de qualifier de start-up, notamment en raison de leur maturité, d'autres sont toujours en cours de levée ou n'ont pas encore annoncé leur tour de table.
Efficacité, stockage, gestion…
Le secteur revient néanmoins de loin, après avoir vécu un krach dans les années 2010. « Les technologies se sont améliorées, en particulier dans le solaire, la méthanisation agricole et l'éolien. Les rendements énergétiques sont aussi meilleurs », souligne Arnaud Delattre, directeur de Starquest, un fonds spécialisé dans les cleantechs.
Aux côtés des technologies balisées, des deeptechs émergent aussi, à l'instar de Sweetch Energy et son énergie marine, qui a levé 25 millions d'euros fin 2023. « Bon nombre des nouvelles énergies, comme l'hydrogène, doivent encore réaliser une percée technologique pour être compétitives avant d'aller sur le marché », remarque Sophie Paturle.
Mais les jeunes pousses se développent aussi dans l'utilisation efficiente de l'énergie, la lutte contre l'intermittence des ENR grâce au stockage et aux systèmes de gestion intelligents dits « smart grids », le trading, etc. « L'enjeu est d'adapter la nouvelle production d'énergie ENR aux besoins, d'où la nécessité de recourir au stockage et à la gestion flexible de la production et de la consommation », poursuit Sophie Paturle. Selon France Invest, l'efficacité énergétique, catégorie distincte que celle des ENR dans le baromètre, a cumulé 179 millions d'euros ce semestre, le stockage, 18 millions.
Croissance du renouvelable
Parmi elles, Elum Energy, qui annonce une série B de 12 millions d'euros (Energize Capital, avec Core Capital et Alter Equity), portant à environ 25 millions son financement total. La jeune pousse développe un logiciel interopérable pour piloter des centrales dans les énergies renouvelables, grâce à un petit boîtier. Elle permet ainsi de gérer l'énergie solaire qui va être injectée sur le réseau ou stockée dans des batteries, par exemple, pour lutter contre leur intermittence.
« En lame de fond, ce qui nous porte, c'est que la croissance du renouvelable, notamment dans le solaire, n'est plus tirée par les subventions, mais les rationnels économiques », remarque Cyril Colin, cofondateur de la start-up. Et de préciser : « Le marché grossit, aussi grâce aux enjeux de souveraineté en Europe. Du côté des fonds de capital-risque, la pression de leurs investisseurs pour verdir leur portefeuille joue également en notre faveur. »
La French Tech voit aussi se développer, en lien notamment avec la crise énergétique, les start-up de services, spécialisées dans l'autoconsommation solaire, avec en particulier l'installation de panneaux. Mais l'objectif, à terme, est souvent de gérer l'autoconsommation collective du foyer. « Il y a toute une vague d'innovations - souvent logiciels - qui vise à installer, entretenir, optimiser et recycler les énergies renouvelables et leurs matériels », remarque Thomas Bajas, investisseur, qui suit ces sujets chez Founders Future.
Incertitudes
Le secteur des ENR fait néanmoins face à plusieurs incertitudes qui risquent d'entraver le développement des start-up. D'une part, il reste très dépendant du réglementaire (lois, octroi de licences et d'autorisations, etc.), de l'acceptabilité des populations (bruits, paysages…) et la hausse des taux d'intérêt complique le financement des projets d'infrastructure. De l'autre, les aléas politiques jouent sur la dynamique du secteur, avec des scrutins importants comme les élections nationales, européennes ou américaines.
Outre-Atlantique, les ENR représentent près d'un tiers de la production. Avec l'élection d'un nouveau président en novembre, l'IRA (lancé en 2022) qui soutient notamment les énergies renouvelables, pourrait connaître un second souffle ou au contraire un coup d'arrêt. « Si les conservateurs passent, cela va diminuer la vitesse d'accélération, mais quelle que soit l'échéance, les Etats-Unis resteront un marché très fort », nuance en revanche Cyril Colin, présent dans une cinquantaine de pays et qui prévoit de s'y attaquer d'ici deux ans.
Par Camille Wong – Les Echos. Publié le 10 septembre 2024