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Brevets : les PME innovantes prennent du galon

Publié le 11/04/2025

Pour la première fois depuis vingt ans, deux petites et moyennes entreprises innovantes, Genvia et Verkor, entrent au palmarès des 50 premiers déposants de brevets de l'INPI, publié en exclusivité par « Les Echos ».

Dans la cour des grands déposants de brevets en France, les petites et moyennes entreprises font aujourd'hui un pas de géant. Pour la première fois de son histoire, qui a commencé il y a vingt ans, le palmarès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), publié en exclusivité par « Les Echos », voit entrer dans ses rangs deux PME innovantes, Genvia et Verkor, aux côtés des 34 grands groupes, des 11 acteurs de la recherche publique et des 3 ETI qui figurent parmi les 50 premiers déposants de demandes de brevets auprès de l'INPI entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024.

Créé à Béziers (Hérault) en 2021, Genvia se place directement au 44e rang avec 31 brevets qui protègent sa technologie de rupture pour la production d'hydrogène décarboné. Classé 47e avec 29 brevets, Verkor, fondé en 2020 à Grenoble (Isère), a vocation à accélérer l'industrialisation des batteries bas carbone du futur pour la mobilité électrique.

Dynamique « méritoire »

« C'est l'élément majeur de notre palmarès 2024 », analyse Pascal Faure, le directeur général de l'INPI, saluant deux PME qui « portent de beaux projets de gigafactory dans les domaines de l'hydrogène et des batteries électriques, créateurs d'emplois dans les territoires et liés aux nouvelles énergies, dont elles essaient de protéger les technologies. »

Ces deux jeunes entreprises technologiques incarnent parfaitement la dynamique actuelle des PME françaises en matière de propriété industrielle. « Sur les 15.458 demandes de brevets que nous avons reçues l'an dernier, un chiffre quasi stable par rapport à 2023 (-0,7 %) après la forte hausse qui a suivi la période du Covid (+7,5 % depuis 2020), les PME se démarquent avec une augmentation de 2 % de leurs dépôts, ce qui est d'autant plus méritoire et témoigne de leur rôle essentiel dans le paysage de l'innovation française », note-t-il.

L'an dernier, les petites et moyennes entreprises étaient exactement 1.677 à avoir déposé 2.510 brevets par la voie nationale, soit 17 % du total. « Nos demandes de brevets sont stables en volume comme les dépôts à l'Office européen des brevets. La France se place en deuxième position derrière l'Allemagne, précise Pascal Faure. Cela veut dire que les brevets français sont toujours caractérisés par un fort taux d'extension et solides à l'international. »

Comme les précédentes éditions, le palmarès 2024 confirme la forte concentration de l'écosystème français de la propriété industrielle, les 20 premiers déposants représentant 53 % des dépôts effectués auprès de l'INPI l'an dernier et les 50 premiers 62 %. « On a l'impression d'une grande stabilité. Or, il y a neuf changements dans le Top 50 cette année, dont l'entrée des deux PME, Genvia et Verkor, de l'ETI Automotive Cells Company (ACC) ou encore de la SNCF », souligne Pascal Faure, jugeant « très rafraîchissant que ce palmarès bouge ».

On assiste toujours à la course entre Stellantis et Safran qui sont hors concours. Pascal Faure, directeur général de l'INPI

« Comme pour les PME, notre travail de sensibilisation porte ses fruits », poursuit le directeur général de l'INPI. « C'est très important pour la France, on essaie de le faire en pleine cohérence avec France 2030 et ETIncelles, les grands programmes de l'Etat. Cela fait partie de notre contrat d'objectifs et de performance signé pour la période 2025-2029 : aligner la sensibilisation à la propriété industrielle avec les priorités du gouvernement en matière d'innovation », explique-t-il.

En tête du palmarès 2024, l'écart se resserre entre les deux grands champions de l'innovation tricolore. « On assiste toujours à la course entre Stellantis et Safran qui sont hors concours, même s'ils n'ont pas les mêmes politiques de gestion de leurs portefeuilles de propriété industrielle », observe-t-il. Le constructeur automobile préserve sa pole position, avec 1.289 brevets l'an dernier, en dépit de sa nette décélération par rapport à son compteur arrêté à 1.542 en 2023.

« Il est normal que cette activité se répartisse dans tous les pays où Stellantis a ses centres de R&D, ce qui peut entraîner des fluctuations d'une année sur l'autre et d'un pays à l'autre », relativise Francis Fernandez, directeur de la propriété intellectuelle du groupe, insistant sur le fait que « malgré cette baisse, Stellantis reste en France à un niveau très élevé ». Le chef de file de l'innovation automobile opère en effet ses premiers dépôts dans de nombreux pays, notamment « en Italie où nous sommes parmi les principaux déposants de brevets, si ce n'est le premier, mais aussi au Brésil, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Chine ou en Inde ».

Dans quelle mesure le départ précipité de son patron emblématique, Carlos Tavares, va-t-il influer sur la stratégie d'innovation de Stellantis, issu en janvier 2021 de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler Automobiles qu'il avait piloté ? « Il est sans impact sur la stratégie de propriété intellectuelle et plus particulièrement sur les dépôts de brevets, qui résultent d'une politique volontariste de protection des innovations émanant de nombreux projets en cours de développement, notamment pour l'électrification de nos véhicules. »

Malgré sa légère baisse à 1.216 brevets contre 1.232 en 2023, Safran, l'équipementier de l'aéronautique civil et militaire que Stellantis avait détrôné de la première place et tenu à distance dans le précédent palmarès, revient dans la roue du constructeur automobile.

« Notre groupe n'est pas dans une course au brevet. Il privilégie la qualité individuelle de ses inventions et brevets, ainsi que la structure de son portefeuille », explique Jean-Marc Brunel, directeur de la propriété intellectuelle de Safran. « L'écart de moins de 2 % du nombre de brevets déposés par rapport à 2023 n'est donc pas significatif. D'ailleurs, le nombre d'inventions signalées par nos inventeurs, puis formalisées dans des déclarations conformes aux exigences du groupe, a atteint des records en 2024. Nous avons peut-être été plus sélectifs… »

De quelles armes technologiques dispose Safran pour jouer un rôle clé dans le plan de réarmement de la France lancé par Emmanuel Macron ? « Notre groupe invente, développe et fabrique des solutions de haute technologie qui contribuent à un monde plus sûr et à un transport aérien respectueux de l'environnement, tout en répondant à des enjeux stratégiques liés à la défense et à l'espace. Safran a d'ailleurs placé la souveraineté au coeur de ses activités et de son modèle d'affaires », rappelle Jean-Marc Brunel.

L'Oréal sur le podium

Preuve de son engagement patriotique, Safran est le champion tricolore de la protection de ses innovations par la voie nationale. L'équipementier aéronautique, qui a programmé des dépenses de recherche & technologie (R&T) de 5,2 milliards d'euros pour la période 2025-2028, caracole en tête du classement complémentaire des 25 premiers titulaires de brevets en vigueur en France au 31 décembre 2024. Avec un total de 17.803, Safran distance largement Valeo (10.208) et Stellantis (9.955).

L'autre fait marquant de ce palmarès, après l'entrée des deux PME dans le Top 50, est la hausse de 30 % signée par le leader des cosmétiques L'Oréal qui, avec 740 brevets déposés auprès de l'INPI en 2024 (570 en 2023), remonte sur la troisième marche du podium pour la première fois depuis 2010. « Cette augmentation significative reflète l'intensification de nos efforts en recherche & innovation (R & I) à travers toutes les entités de L'Oréal. L'innovation est au coeur de notre stratégie, portée par nos 4.000 chercheurs à travers le monde, dont 800 en recherche avancée », plaide Denis Boulard, Global Head of IP & Legal R & I de L'Oréal, dont le budget R&D a dépassé 1,3 milliard d'euros en 2024, soit 3,1 % du chiffre d'affaires du groupe.

« Cette progression est notamment portée par l'exploration de territoires scientifiques et technologiques comme le microbiome, la longévité ou la bio-ingénierie », ajoute-t-il. « Nous investissons massivement dans les sciences vertes et la biotechnologie pour répondre aux enjeux environnementaux, dans la beauty tech pour consolider notre leadership digital et dans les dispositifs ou les nouvelles énergies pour accroître les performances de nos formules ou permettre des diagnostics de pointe », détaille Denis Boulard.

Par Chantal Houzelle. Publié le 24 mars

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