Se développer en franchise ? Rodez votre concept d'abord !
Proposer une formule différenciante, duplicable sans entamer la rentabilité des points de vente, anticiper les besoins d'animation… Les secrets d'un futur franchiseur à succès.
Pour développer plus rapidement leur marque sur un territoire et à moindre coût, les entrepreneurs peuvent passer par des chefs d'entreprise indépendants sous contrat de franchise. Ces franchisés investissent dans une marque en payant un droit d'entrée et des redevances. Ils supportent également tous les frais liés à la création et à la gestion de l'établissement en franchise : investissements dans les locaux, travaux d'aménagement, salaires, achat du matériel et des stocks, etc. En contrepartie, ils reçoivent une formation et un accompagnement de la part de la tête de réseau.
« Avant de franchiser, il faut s'assurer du caractère distinctif de son concept », assure Laurent Delafontaine, dirigeant cofondateur d'Axe Réseaux, cabinet d'appui stratégique et opérationnel au développement des enseignes. L'expert donne plusieurs pistes : un savoir-faire particulier en matière de recettes originales dans la restauration, une proposition d'ossatures bois préfabriquées dans la construction, une plateforme logistique performante dans l'habillement sont autant de concepts différenciants.
Situé à Saint-Malo (35), le réseau des Glaces Moustache, créé fin 2018, a choisi de s'appuyer sur deux piliers originaux. « Mon objectif était de faire le Nespresso de la glace en plaçant la marque à un niveau premium de qualité. J'ai d'abord travaillé les recettes. Puis, aidée par une décoratrice, j'ai traduit ce positionnement par des codes couleur noir et or dans les boutiques », décrit Sylvie Bondil, la fondatrice des Glaces Moustache, qui rassemble trente-cinq boutiques franchisées pour un chiffre d'affaires de près de 3 millions d'euros en 2022.
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Deuxième point fort de l'enseigne, son laboratoire de fabrication dans lequel la fondatrice a investi près d'1,5 million d'euros. « Je l'avais racheté en 2016 et complètement refait à neuf. A cette occasion, je l'ai volontairement surdimensionné car je savais que j'allais chercher la croissance », met en avant Sylvie Bondil. Aujourd'hui encore, le laboratoire n'en est qu'à un tiers de sa capacité.
Prouver la rentabilité et la duplicabilité du concept
De son côté, le concept de Djamel et Caroline Chibout de La Marinière est, de fait, unique en son genre : c'est la seule franchise de poissonneries traiteurs en France. Le réseau toulousain de sept points de vente a réalisé 2,2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022. « Les franchisés s'approvisionnent auprès de notre centrale d'achat située sur le Grand Marché MIN de Toulouse, de notre laboratoire de fabrication de plats cuisinés et de notre conserverie. Autant d'outils spécifiques mis à leur disposition », détaille Djamel Chibout. Accompagné par Axe Réseaux, l'entrepreneur a aussi peaufiné l'équipement des boutiques, la hauteur des bancs et les chariots de transport, afin de faciliter les tâches de manutention des franchisés poissonniers. « Nous avons de plus noué un partenariat avec l'entreprise ePack Hygiene pour automatiser le suivi sanitaire », indique Djamel Chibout.
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Le concept de La Marinière (visuels, recettes des conserves…) a fait l'objet d'un dépôt de marque à l'Inpi. Au préalable, Djamel Chibout l'avait testé dans trois boutiques en propre. Laurent Delafontaine insiste sur l'importance d'avoir un ou plusieurs « pilotes probants ». Cette notion figure au Code de déontologie européen de la franchise, qui régit les relations franchiseurs-franchisé. Il y est stipulé que le franchiseur doit avoir exploité avec succès son concept pendant au moins un an (afin d'avoir les comptes de résultats en main) et dans au moins une unité pilote. Mais l'expérience prouve qu'il vaut mieux une seconde voire une troisième implantation.
Djamel et Caroline Chibout ont créé la première franchise française de poissonnerie sous la marque La Marinière.
Avant de lancer sa franchise, Sylvie Bondil a elle aussi ouvert deux succursales tests à Cancale et Binic. Pour ne pas fragiliser ses franchisés, elle a choisi de ne pas trop ponctionner leur chiffre d'affaires, en prélevant une redevance de 5 % sur les achats au laboratoire. De son côté, La Marinière a choisi le modèle plus classique du prélèvement sur le chiffre d'affaires réalisé par les franchisés, fixé à 4 %. Une disposition qui a contraint le franchiseur toulousain à mettre en place un processus informatisé de reporting mensuel, ce qui lui permet aussi de mieux aiguiller ses franchisés dans leur gestion de l'entreprise.
Renouveler le concept au fil du temps
Ce coût se cumule à d'autres dépenses. Il faut aussi assurer la formation des nouveaux franchisés en boutique pilote, puis les accompagner sur place pendant les premiers jours d'ouverture de leurs points de vente. En parallèle, le franchiseur devra structurer une équipe d'animation du réseau qui se déplacera une fois par mois dans chaque boutique pour mettre en place des opérations spéciales par exemple. « Car il est important de ne pas rester sur un statu quo, de se renouveler », insiste Sylvie Bondil.
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Pour faire évoluer son concept, l'entrepreneure organise un séminaire annuel où elle réunit tous les « Moustachus ». Les franchisés y échangent sur les bonnes pratiques et proposent des nouveautés. Un rôle d'animation qu'il ne faut pas sous-estimer, selon Laurent Delafontaine. « J'ai remarqué que, au-delà du concept, la personnalité du franchiseur est déterminante dans le succès d'une enseigne. Plus il aura de charisme, plus il aura de capacité à entraîner, à inspirer les franchisés », analyse-t-il. Le concept et son ou sa créateur·rice… Les deux doivent se distinguer.
Par Isabelle Meijers - Les Echos entrepreneurs. Publié le 12 septembre 2023