Quatre règles à suivre pour diriger un business familial sans se fâcher
+VIDEO/ Lisa Nakam et les soeurs Pernet sont toutes trois à la tête d'entreprises familiales. Elles livrent leurs retours d'expérience et conseils pour bien s'entendre et se répartir les tâches.
Un large pan de l'économie repose sur les entreprises familiales puisqu'elles représentent 83 % des entreprises françaises*. Ces sociétés emploient à elles seules 60 % des salariés du secteur marchand (non financier, non agricole). Si ce modèle entrepreneurial est répandu, il présente toutefois ses propres difficultés, dont n'ont pas forcément conscience ceux qui souhaitent se lancer.
VIDEO / Conférence du 5 avril sur le salon Go Entrepreneurs Paris 2023
A l'occasion d'une conférence du salon Go Entrepreneurs qui s'est tenue à Paris le 5 avril dernier, Lisa Nakam qui a repris la direction avec son frère de l'entreprise Jonak, marque de vente de chaussures fondée par leur grand-père, et les deux soeurs Chloé et Lorène Pernet qui ont fondé en 2020 Si Si La Paillette , qui vend des paillettes biodégradables, partagent leurs expérience et conseils.
#1. Gagner en expérience avant de se lancer
Même s'il semble acquis que l'avenir professionnel de l'héritier se trouvera dans l'entreprise familiale, il est intéressant de commencer par s'en éloigner. Intégrer une autre entreprise en tant que salarié permet de découvrir un contexte différent de celui dans lequel on a grandi, d'acquérir de nouvelles connaissances et techniques, et de gagner en expérience. Lisa Nakam et son frère ont ainsi commencé par travailler pour de grands groupes du commerce de détail, le même secteur d'activité que Jonak. « Après nos études en école de commerce, mon frère à Shangaï et moi à New-York avons pu voir ce qui se faisait dans d'autres grands groupes, pour ensuite réutiliser ces connaissances chez Jonak », explique-t-elle.
RETOUR D'EXPERIENCE - Entreprendre en famille, une question de confiance pour les cofondateurs de Wiloki
Avant de cofonder son entreprise avec un membre de sa famille ou un ami, il vaut mieux s'assurer de connaitre la valeur et le comportement de son futur associé dans un contexte professionnel. « C'est important car on peut avoir tendance à idéaliser la personne que l'on n'a pas côtoyée dans une ambiance de travail », met en garde Lorène Pernet. Avant de lancer leur entreprise en 2020 les deux soeurs avaient travaillé ensemble sur de petits évènements et réalisé un court métrage : « cela peut paraitre anecdotique mais on a partagé des contraintes, et on a pu voir qu'on était toutes les deux rigoureuses, et qu'on pouvait avoir confiance l'une dans l'autre », poursuit-elle. Travailler ensemble sur de petits projets déconnectés du projet entrepreneurial principal est donc un bon moyen de tester la compatibilité entre partenaires.
#2. Chacun son domaine d'expertise
La communication circule plus librement au sein d'une entreprise familiale. Lisa Nakam assure que cela permet une « communication sans limite », beaucoup plus large qu'avec un collaborateur classique. Autre facteur de réussite, le fait de partager un système de valeur, développé par une éducation commune, sert également les entrepreneurs. Comme l'expliquent les deux cofondatrices de Si Si La Paillette qui ont en commun un engagement écologique et féministe.
PORTRAIT - Anne Leitzgen (Schmidt, Cuisinella) entretient l'esprit de famille
Que l'on soit de la même famille ou pas, le partage des tâches entre associés est essentiel. Ainsi, si Lisa Nakam et son frère sont codirecteurs généraux de l'entreprise, chacun s'est spécialisé dans son domaine de prédilection. Chez Si Si La Paillette également, chaque entrepreneuse est décisionnaire sur son domaine d'expertise : la gestion et le financement pour Lorène, qui a fait une école de commerce, et la création et la communication pour Chloé. A elles deux, elles sont réalisé 240.000 euros de chiffre d'affaires en 2021.
#3. Séparer vie personnelle et professionnelle
Si la proximité entre associés permet une communication assouplie, il faut veiller à ce que les préoccupations entrepreneuriales ne débordent pas trop sur la sphère personnelle. C'est le conseil que toutes les entrepreneuses présentes sur le plateau donnent, tout en avouant avoir du mal à l'appliquer : « On fixe des règles mais on ne les respecte pas du tout », confie la directrice générale de Jonak. Les soeurs Pernet, qui travaillent aussi avec leurs deux parents, s'imposent certains déjeuners en famille où le sujet de l'entreprise est banni.
ENJEUX - La famille, élément central dans la réussite des chefs d'entreprise
Pour éviter que les problèmes liés à l'entreprise ne deviennent familiaux, il est important de prévoir dès le début toutes les cas de figure qui pourraient se présenter, notamment pour un décès ou une succession. La marche à suivre dans de tels cas doit être clairement stipulée dans les statuts de l'entreprise. « C'est comme pour une assurance vie, si on le fait à 20 ans on a moins de pression que si on le fait à 80 », illustre Lisa Nakam.
#4. Préférer la rentabilité à la croissance
L'actionnariat 100 % familial est un avantage notamment vis-à-vis des banques, qui accordent plus facilement leur confiance aux associés d'une même famille. « Une entreprise familiale court moins vers la croissance qu'une entreprise classique, elle accorde plus d'importance à la rentabilité. Par exemple, nous ne courons pas derrière l'ouverture de nouveaux magasins », affirme la directrice générale de Jonak, qui a réalisé 1,11 million d'euros de chiffre d'affaires en 2019. Reste à savoir si Si Si La Paillette se financera plus facilement grâce à cette image.
* Source : « Les entreprises familiales, des aventures humaines qui font grandir les territoires » , coréalisé par Réseau Entreprendre® et le Family Business Network (FBN).
Par Remy Molinie - Les Echos entrepreneurs. Publié le 5 septembre 2023